Les 11 et 12 mai, nous voici partis en camp inter-aumôneries Saint-Thomas d’Aquin et Villa Pia
Une météo incertaine qui n’a pas eu raison de notre enthousiasme ! D’ailleurs voici ci-dessous l’article de la voix-off d’une des accompagnatrices, prenez le temps de lire, c’est « drôlement savoureux » ou « savoureusement drôle » !!!! pour l’avoir vécu à ses côtés ! Je vous laisse deviner l’auteur, Suspens !!!!
Voix Off
En juillet, au Festival d’Avignon, pendant près de 3 semaines, la sélection officielle cohabite avec une programmation en forme d’aparté que les plus curieux découvrent hors des sentiers battus quand ils s’encanaillent sur les scènes alternatives du Festival Off. Dans ma tête aussi, souvent, discours officiel et voix off se disputent la vedette. Si la première est capable de se montrer polie et policée, la seconde se la joue volontiers ironique et perplexe, émue aussi parfois quand elle baisse la garde et se trouve prise au dépourvue. En sortie scolaire, c’est elle qui donne régulièrement de la voix, heureusement, ça dure bien moins longtemps que le Festival.
Bidarray, Morceaux Choisis
Samedi
12h30 : Le camp commence à peine et la météo nous honore d’une vigoureuse averse dont le Pays Basque a le secret. Ceux qui n’avaient fait qu’une bouchée de leur déjeuner pour aller jouer à la pelote sur le fronton du village reviennent sous le préau municipal ouvert aux quatre vents que l’on squatte momentanément, mouillés jusqu’aux os. La randonnée n’a même pas encore débuté qu’ils sont déjà trempés…
Les reliefs du pique-nique rangés, je regarde d’un oeil noir les crêtes alentours voilées de gros nuages gris. Nous sommes début mai mais il fait froid sous cet abri habité de courants d’air et, malgré ma capuche, disons-le clairement, je me caille. Fanny profite de ce moment tous réunis (merci la pluie) pour introduire le programme de l’après-midi : la marche sera rythmée de temps spirituels. Fort bien. Pendant ce temps, moi je me demande pourquoi, encore une fois, j’ai gracieusement renoncé à un weekend pour lequel j’avais pourtant plein de chouettes projets – une répétition de danse, une soirée dans les peñas bayonnaises et un dimanche entre amis autour du lac à Herri Urrats. Je réinvestis le préau humide et venté quand Fanny me demande d’un regard d’entonner le premier chant ; ma voix off en français laisse momentanément la parole à ma voix de tête en anglais.
15h : Premier arrêt, premier rendez-vous avec soi-même. Quand nous avons entamé la montée, la consigne était de ramasser un caillou sur le chemin, de le porter un moment pour y inscrire ensuite au feutre indélébile une peine, une gêne, une blessure, un gravier malheureusement venu se loger dans une de nos chaussures cette année et dont on voudrait s’alléger, en somme. Dans l’espoir de s’en libérer, on le laissera dans la montagne. Je sais depuis le début que je vais m’arranger avec la consigne et la suivre à ma guise – d’ailleurs, depuis quand les consignes sont-elles faites pour être respectées ? Je n’écris qu’un mot, un prénom de cinq lettres en me demandant toutefois s’il est bien raisonnable de lester un ange parfois si encombrant d’une pierre si petite… Je me doute déjà qu’il n’en restera pas là. Je sais aussi que c’est lui faire peu d’honneur que d’espérer m’en débarrasser. En fait, je n’en demande pas tant, juste de prendre un peu moins de place.
Je m’éloigne ensuite de quelques pas et prends le temps d’observer les jeunes qui ont fini par se prêter au jeu ; ils semblent en pleine conversation avec eux-mêmes. J’aimerais bien savoir ce que chacun souhaite laisser dans la montagne. Je devine chez certains les tourments de l’adolescence, j’imagine pour d’autres les épreuves déjà surmontées que l’enfance ne leur a hélas pas épargnées.
16h : Deuxième arrêt, deuxième tête-à-tête avec soi-même. Sur la crête, en silence, on écoute le vent souffler et les criquets-ascendants-grillons chanter. Vient ensuite le moment de noter sur ruban coloré une source de joie, un évènement qui nous aurait fait grandir ou une raison d’être fièr.e de soi. Amitié, résolutions tenues, anges (encore), rendez-vous médicaux redoutés enfin honorés et fleur au reflet arc en ciel sur le point d’éclore, cette fois, je suis plus bavarde – certes, je m’arrange à nouveau avec la consigne.
Les rubans noués faseyent sur la branche de bois flotté qui a d’abord servi de fil à linge à un sweatshirt trempé par la pluie, c’est joli et le Pays Basque prend un air népalais. Pour une fois, ma voix off se tait et je pioche avec gourmandise dans les biscuits proposés pour le goûter avant d’amorcer la descente. La pluie n’est finalement pas de la partie mais le vent n’est pas chaud et on se refroidit, il est temps de lever le camp.
23h : La relecture de la journée terminée (« La joie est en tout», se rappeler de cette phrase de Confucius jusqu’à la fin du weekend, surtout ne pas oublier que c’est moi qui l’aie choisie…), les spaghettis carbonara du menu enfant préparés par nos cuisiniers en herbe dégustés, me voici en train de danser une Macarena ringarde à souhait, coiffée d’une perruque
en guirlande violette. La voix off dans ma tête se déchaîne et sous ma frange pailletée, je sais que mon sourcil gauche s’agite au rythme de ma perplexité. Les jeunes râlent que la musique de cette improbable boum déguisée n’est pas à la hauteur ; puisque je suis plutôt d’accord avec eux, je mets mon téléphone à disposition et la magie d’internet arrive jusqu’à Fort Fort Lointain.
J’aurais aussi pu m’abstenir, en fait. A-t-on vraiment gagné au change ? Pendant qu’un mexicain arrivé d’Afrique cet hiver tient la dragée haute à Maître Gims, un Power Ranger Rouge prononce mon nom toutes les 4min30 environ et me serine qu’il va falloir que je prenne mon tour au karaoké. J’envisage de récupérer mon téléphone, je repense à Confucius et le laisse là où il est.
Partage de co’ ou pas, la musique n’est pas du goût de tous et une contre-soirée s’organise dans la salle à manger autour du piano et d’un ukulélé. Le Power Ranger Pénible (mais drôle) persiste à se faire entendre. Partagée entre amusement et exaspération, je me demande pourquoi cette personne semble soudain rechercher ma compagnie alors que l’an dernier il ne profitait que très peu de mon auguste présence en cours d’anglais. Une histoire de perruque, probablement. Pendant qu’il me fatigue assidument, ses deux acolytes assurent au clavier ; je les écoute avec envie en me disant que je devrais rouvrir mon piano et dépoussiérer mes partitions. On me rappelle en off qu’à leur âge, j’avais plus d’aisance, tout n’est peut être pas perdu, en fait.
Dimanche
1h du matin : Chacun a regagné son dortoir, je suis la dernière à passer à la salle de bains et j’enlève cette perruque qui m’a valu autant de sourires que de sarcasmes – est-ce que je peux décider que « Danseuse du Crazy Horse qui n’aurait pas percé », en fait, c’était un compliment ? J’ai du violet sur la nuque. Les tempes. Et les oreilles. Le truc a déteint. J’ai sommeil. Ô « joie ».
9h15 : Bonheur d’enfiler une combinaison humide un dimanche matin après une trop courte nuit animée du dynamique ronflement d’une de mes cothurnes d’un soir. Et dire que je pourrais commencer ma journée tranquillou du fond de mon canapé avec un bouquin et une tasse de thé ! Les jeunes ont l’air content, eux ; on se fait tirer le portrait histoire d’immortaliser l’instant. Je marmonne dans mon gilet de sauvetage et amuse manifestement la galerie. Le jeune moniteur est étonné d’apprendre que ce groupe de lycéens qui se pointe un dimanche matin est du coin. Tu m’étonnes… Confucius, tout-ça-tout-ça.
Les équipages sont formés, je me retrouve (mal) embarquée avec mes trois collègues. Nous sommes évidemment bien moins performantes que les jeunes qui sont, paraît-il, sous notre responsabilité. On fait des ronds dans l’eau, il ne nous manque que la musique et on se croirait dans les tasses à Disney ; on fonce joyeusement dans les rochers qui traversent soudainement la rivière ; on manque de chavirer ; on se jette éperdument les unes sur les autres dans l’espoir de sauver notre esquif malhabile du naufrage qui le guette ; on goûte du moucheron printanier ; on s’éclate soi-même gaiement l’arcade avec une pagaie en voulant sauver le mousse grognon (moi….) à deux doigts de passer par-dessus bord. Tout le monde y va de son commentaire et donne son avis sur la marche à suivre, marche à suivre que personne ne suit puisque tout le monde n’en fait qu’à sa tête. Mon avis de mousse grognon, c’est qu’il faut cesser de ramener sa fraise et ramer. Force est de constater que je suis peu convaincante. Le cirque se calme un peu quand un élève (!) nommé par le moniteur capitaine de notre galère en péril vient à notre rescousse. Le répit est de courte durée, c’est lui qui finit à l’eau ! Entre fou-rire et coup de flip, on rentre aux vestiaires plus fatiguées d’avoir ri que d’avoir pagayé.
14h30 : De retour chez moi, je mange rapidement le frichti surprise découvert dans le frigo gentiment préparé par mon Brun (parti en goguette pour la journée avec des copains, lui) et file sous une douche bienvenue après le rafting de ce matin. Et puis, au fait, j’ai encore du violet dans le cou, moi.
Je repense à ce weekend émaillé de chouettes moments – avant de partir de Bidarray tout à l’heure notamment, on a échangé et noué à nos poignets des brins de laine bleutés en se disant pourquoi on était contents d’avoir passé ces 24h ensemble. Planquée derrière mes lunettes de soleil, j’ai navigué entre timidité, déclaration inopinée, espièglerie et amitié. Alors que je tente de mettre un peu d’ordre à mes cheveux indisciplinés, la voix off reprend du service quand je reconsidère cette laine désormais humide. La seule chose qu’il manquait à ma vie, c’était en effet un tricot de gratitude mouillé et pelucheux accroché au poignet…
« La joie est en tout, il faut savoir l’extraire. »